Pieter Hugo à la Fondation Cartier-Bresson

Né en 1976 au Cap, Pieter Hugo a abondamment voyagé à travers l’Afrique, du Rwanda au Ghana et du Libéria au Nigéria, d’où il a notamment rapporté des images fascinantes de dompteurs d’hyènes. Il a été primé aux Rencontres d’Arles et aux Rencontres africaines de la photographie de Bamako.

C’est quand sa compagne a été enceinte de leur premier enfant, dit-il, que le projet « Kin » est né : la réalité de son pays est violente et « le fait d’être responsable de quelqu’un d’autre m’a donné envie d’examiner ma relation avec l’Afrique du Sud, avec son histoire, qui est souvent schizophrène ». Comment peut-on vivre dans cette société, s’est-il demandé.

Le projet aborde des thèmes comme la colonisation, la diversité raciale et les disparités économiques.

Ses photos en grand format et en couleur s’imposent avec force sur les murs des deux salles d’exposition de la Fondation Cartier-Bresson. D’abord, il y a les portraits en gros plan, qui vous regardent droit dans les yeux. Pieter Hugo photographie généralement les gens dans leur environnement familier, souvent dans des intérieurs modestes. « Tous les portraits sont des autoportraits, d’une certaine façon. Ce qu’on exprime avec, c’est sa propre préoccupation. Un bon portrait est un portrait qui fait passer le désir de regarder l’autre », dit-il.

« Kin », c’est la parenté, et Pieter Hugo a photographié sa femme enceinte, nue, ses enfants, sa grand-mère, et aussi sa nourrice. Celle qui s’est occupée de lui quand il était petit et qui est repartie dans sa campagne quand il avait vingt ans. « Je me sentais coupable qu’on n’ait plus de contact avec elle alors qu’elle avait passé toute sa vie dans la famille. Je suis allé la voir et nous avons passé un long moment ensemble. »

Le portrait qu’il en a fait la montre grave, absorbée en elle-même. Elle venait de perdre son fils dans un accident de voiture quand la photo a été prise.

Pieter Hugo a photographié des blancs, des noirs. « Je voulais montrer la différence entre ceux qui possèdent et ceux qui ne possèdent pas, qui est de plus en plus grande. Et en Afrique du Sud la lutte des classes et la lutte raciale sont indissociables », dit Pieter Hugo.

Pieter Hugo est blanc, un Africain blanc. Et en Afrique du Sud, si on est un blanc progressiste, il est difficile, estime-t-il, de ne pas s’interroger sur sa responsabilité par rapport à la situation et par rapport au passé, même si l’artiste n’a pas de réponse à cette question.

« Souvent, quand les gens traitent des thèmes comme l’intime, ils font des photos d’atmosphère, avec du flou. J’ai essayé de faire au contraire de la photo hyperréaliste, précise, concrète », dit Pieter Hugo. « Au départ, c’était spontané, je sentais une nécessité de faire comme ça, ce n’est pas analytique, c’est ainsi que je voyais le monde à cette époque-là », explique-t-il.

Le photographe fait aussi des natures mortes, un carton de patates posées par terre, quelques légumes, des objets du quotidien, qu’il voit comme un portrait de la personne à laquelle ils appartiennent. Devant certaines de ses images, on pense à la peinture flamande. Quand on l’interroge sur l’influence de la peinture, il explique que sa mère est peintre, qu’il a grandi entouré d’artistes. Mais s’il admet qu’il a regardé la peinture flamande, il se dit plutôt marqué par « une façon protestante, calviniste, de regarder le monde, de trouver quelque chose de religieux dans le quotidien ».

La maison des Besters, Vermaaklikheid, 2013 © Pieter Hugo, courtesy Galerie Stevenson, Le Cap/Johannesburg et Yossi Milo, New York

Quelques paysages ponctuent l’exposition, des lieux qui historiquement, politiquement, paraissent importants à l’artiste. Au fond de la salle du premier étage, deux vues aériennes encadrent un portrait de groupe, cinq jeunes en costume, qui viennent de subir le rite d’initiation Xhosa. A gauche, les rues en terre et les toits en tôle serrés d’un township, à droite, les toits orange et espacés, les taches bleues des piscines, les pelouses d’un quartier résidentiel protégé qui, vu de haut, ressemble à une maquette en plastique.

« J’ai des sentiments très complexes sur le fait de vivre ici. Depuis 8 ans, je ne me sens guère plus avancé sur ces questions. Au contraire, je suis encore plus confus et encore plus en désaccord avec « my home ». Ce travail se heure à ce dilemme, mais échoue finalement à donner des réponses », écrit Pieter Hugo dans le texte de présentation de l’exposition.

Pieter Hugo à la Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis, 75014 Paris
Du mardi au dimanche, 13h-18h30
Le samedi de 11h à 18h45
Nocturne gratuite le mercredi de 18h30 à 20h30
Tarifs : 7€ / 4€
Du 14 janvier au 26 avril 2015

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