Photoquai 2015 « We are family » au quai Branly

Sur les quais de la Seine, devant le musée du Quai Branly, Photoquai est de retour avec 40 photographes du monde non occidental et, nouveauté, des artistes de la diaspora. « We Are Family » est le thème de la 5e édition de cette biennale, toujours réjouissante. La famille au sens strict et aussi comme un groupe de gens réunis par quelque chose « qui fait sens ».

Comme tous les deux ans depuis l’automne 2007, le quai Branly est investi de grands panneaux où amateurs de photographie et promeneurs curieux sont plongés dans des mondes multiples. Ils sont invités à découvrir les travaux d’artistes d’Asie, d’Afrique, d’Océanie, des Amériques, du Moyen-Orient inédits en Europe et sélectionnés par six commissaires parmi 200 dossiers.

Noir et blanc classique, couleurs flashy ou douces, les ambiances, réalistes ou oniriques, sont diverses mais ce qui unit toutes ces images, c’est la présence de la figure humaine puisque le thème de la 5e édition est la famille.

La première « famille » qu’on rencontre, c’est celle des travestis, qui ont marqué Luis Arturo Aguirre quand il était petit et que sa tante appelait les « garçons-filles ». Il les photographie torse nu sur fond uni de couleur vive, faisant voir à la fois la masculinité des corps et la féminité que leur donnent coiffure et maquillage, dans des portraits émouvants où la personnalité de chacun éclate dans la simplicité de la mise en scène.

La famille peut aussi être vue au sens strict : l’Argentine Cecilia Reynoso s’est intéressée à la sienne, « typique de la classe moyenne de la banlieue de Buenos Aires », dont toutes les générations se réunissent le dimanche autour de nappes pleines de couleurs. En Argentine aussi, cinq photojournalistes du collectif de la Cooperativa Sub se sont introduits dans une famille riche qui vit dans une zone résidentielle sécurisée, empruntant à l’esthétique des magazines de décoration pour documenter la pelouse impeccable, les chaises longues couvertes de toile blanche, sans oublier les vieilles permanentées pleines de bijoux et les domestiques.

La relation familiale ne découle pas forcément d’un lien de sang, par exemple quand ces domestiques travaillent dans une famille pendant des années. Celle par exemple du Brésilien Tiago Coelho avec Ana, arrivée dans sa famille du Rio Grande do Sul alors qu’il avait six ans. Quand elle a décidé de tenter de retrouver sa famille perdue de vue depuis 40 ans, il l’a suivie dans son voyage vers le Parà, au nord. « C’était très émouvant pour moi, car c’était mon histoire », raconte l’artiste, qui nous fait partager toute la chaleur et la force du personnage d’Ana.

Jannatul Mawa s’est penchée d’une autre façon sur les relations entre les domestiques et leurs patrons, ou plutôt leurs patronnes, qui, à Dacca, vivent souvent sous le même toit. Elle les a photographiées par paires, assises côte à côte. Des images où on sent souvent la distance, voire la gêne, des servantes.

La « famille », c’est quelquefois un groupe social ou humain qui disparaît. L’artiste ivoirienne Joana Choumali a photographié à Abidjan des membres de la dernière génération de « hââbré », les personnes dont la peau est scarifiée. De beaux portraits en gros plan, faits en studio sur fond bleu pour montrer au monde, comme le lui a demandé un vieux monsieur, un de ses sujets, « que nous ne sommes pas des barbares ».

Autre groupe en voie de disparition, celui des petits métiers en Inde (« Marginal Trades ») que Supranav Dash documente en s’inspirant du travail d’Eugène Atget, August Sander ou Irving Penn. Depuis quatre ans, il aborde dans la rue les vendeurs de paniers, de balais ou de jus de canne à sucre, les barbiers et écrivains ambulants, les rémouleurs et tente de les convaincre de poser dans le « studio » qu’il improvise à un carrefour ou au bord d’un marché.

Le lien familial doit parfois être caché, comme celui entre les mères célibataires marocaines et leur enfant. Un lien tabou dont témoigne Zara Samiry avec des photos émouvantes et pleines de pudeur de trois femmes, dont elle dissimule  les visages.

Nouveauté cette année, Photoquai s’ouvre aux photographes des diasporas, du moment qu’ils travaillent « dans des contextes sociaux, culturels et politiques identiques à ceux qui constituent l’identité » de la manifestation.

Photoquai 2015 « We are family » au quai Branly
visite libre, nuit et jour jusqu’au 22 novembre 2015

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