Diane Arbus au Jeu de Paume

Exposant 200 clichés issus de la courte carrière (15 ans) de Diane Arbus et venus de nombreux musées et collections particulières, le Jeu de paume lève le voile sur une œuvre exceptionnelle, sans jamais chercher à en percer le troublant mystère. Jusqu’au 5 février 2012.

« Une photographie est un secret sur un secret. Plus elle vous en dit, moins vous en savez« . Diane Arbus.

Photographe pour Esquire, Harper’s bazaar, Show et The London Sunday Time, Diane Arbus signait parfois les textes qui accompagnaient ses photos. Son suicide en 1971, à l’âge de 48 ans, interrompt une carrière fulgurante. Mais dès l’année 1972,  250 000 personnes se pressent au MOMA pour voir la première grande rétrospective qui lui est consacrée.

Résolue à laisser le  visiteur seul avec les clichés mystérieux de Diane Arbus, l’exposition du Jeu de Paume prend le parti d’éviter tout accrochage thématique ou chronologique. Les photos mènent les unes aux autres, comme dans un rêve, de l’orée des années 1950 à celle des années 1970. Cette exposition-fleuve se déroule sur deux étages et laisse le visiteur aux prises avec sa seule sensibilité, lui offrant tout de même en fin de parcours deux salles de documentation sur la vie de Diane Arbus et les aspects techniques de l’art la photographe, carnets personnels et fresques murales de son appartement compris.                          

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 Jeune homme en bigoudis chez lui, 20e Rue, N.Y.C. 1966 ©Diane Arbus

Dans un désordre assumé, le visiteur  découvre donc les « rites » américains. Embarqués pour l’Amérique d’après-guerre l’ on voyage avec Arbus un peu partout dans les États-Unis des années 1960  : à Central Park, grands bourgeois au Bal  masqué ou à l’Opéra, Disneyland, baigneurs à Coney Island ou autres grandes fêtes populaires, tous les « Rites, manières et coutumes de l’Amérique » sont interrogés. Arbus fixe également toute une série d’interlopes et de marginaux : nudistes, travestis, nains; dès les années 1950, l’on sent sa sympathie aussi bien pour ces figures étranges que pour les populations réprimées ou immigrés (Mexicains, noirs). La photo d’un « Jeune homme et de sa femme à Washington square Park » (1965) lui noir, l’air timide et elle blanche sûre d’elle même et enceinte est probablement un des clichés les plus fort sur le Civil Right Mouvement.

Les photos de Diane Arbus dérangent; elles dégagent une aura d’inquiétante étrangeté, et sur ce point, tous son égaux : une danseuse étoile vieillissante dans son lit (« La débutante de l’année 1938″ en 1966), tous ses portraits de nouveaux-nés, les icône James Brown (chez lui en bigoudis, 1966 !), Susan Sontag (1966) et Jorge Luis Borges (1969)sont aussi déroutants, si ce n’est plus que les couples de vieux nudistes, les nains ou les travestis et actrices burlesques qu’Arbus sait saisir sans leur voler leur mystère. Au paroxysme de ce climat inquiétant, l’on peut signaler deux sublimes clichés :  « Petite fille assise dans un lit avec son petit-ami » (1966), où les deux enfants ont à peu près dix ans, ou encore l’inquiétante « Évêque à la mer » (1964). « Je crois vraiment qu’il y des choses que personne ne verrait si je ne les photographiais pas », estimait la photographe. En nous révélant ces choses que nous ne voulons ou ne pouvons pas voir, Diane Arbus nous met très sainement mal à l’aise et nous fait réfléchir sur notre rapport trop balisé et trop rassurant avec le réel.           

Jusqu’au 12 février 2012 au Jeu de paume, 1, place de la Concorde, Paris 8e, m° Concorde, 8,50 euros (TR 5,50 euros)
gratuit pour les -26 ans de 17hà 21h tous les derniers mardis du mois

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