William Eggleston à la Fondation Cartier-Bresson

Né en 1939 à Memphis, Tennessee, William Eggleston a acheté son premier appareil photo en 1957, peu avant sa découverte d’Henri Cartier-Bresson. Il travaille d’abord en noir et blanc : à cette époque, la couleur est considérée comme vulgaire et les artistes la laissent aux publicitaires ou aux amateurs. Il s’attache essentiellement à capter le monde ordinaire du sud américain qu’il voit autour de lui. Un environnement de voitures, de stations essence, de supermarchés, de « diners » (bars-restaurants populaires).

« Je devais me rendre à l’évidence que ce que j’avais à faire, c’était de me confronter à des territoires inconnus. Ce qu’il y avait de nouveau à l’époque, c’étaient les centres commerciaux – et c’est ce que j’ai pris en photo », disait-il.
Ses images en noir et blanc sont pleines de grain, parfois floues, peut-être pour paraître plus « banales ».

Eggleston cadre les enseignes et les panneaux publicitaires, fait des gros plans sur un lavabo aux robinets rutilants, un téléviseur, l’intérieur d’un four. Il adopte des points de vue inattendus, se mettant au ras du sol face à un chien, au même niveau que l’animal, ou au ras d’un comptoir, devant une vitre de bar offrant le spectacle d’une longue voiture blanche qui borde le trottoir en face.

Regardant le plafond qu’éclaire une ampoule nue, c’est le point de vue d’une mouche (« fly’s eye view ») qu’il emprunte. Ces plafonds, il les reprendra en couleur, en bleu, en rouge.

Car dès 1965, le noir et blanc ne lui suffit plus. William Eggleston commence, parallèlement, à photographier en couleur, parce que le monde est en couleur, dit-il. Et il est séduit par la technique de tirage par « dye transfer » (à partir d’une diapositive, on fait trois négatifs noir et blanc à travers trois filtres et on les colore pour imprimer l’image). Une technique, utilisée en publicité, qui produit des couleurs intenses, profondes, saturées qu’il adopte en 1972.

Entre 1966 et 1974, William Eggleston voyage à travers le sud des Etats-Unis avec Walter Hopps pour son premier projet en couleur, « Los Alamos ».

Le rouge éclatant d’une voiture fait écho au mur extérieur d’un fast-food et à la bouteille de ketchup posée sur le rebord de la fenêtre. Ou avec deux gobelets rayés rouges posés sur une surface blanche. Vue de dessus, on devine que cette surface est un capot de voiture uniquement grâce à l’inscription FORD en bas du cadre, qu’il occupe entièrement.

William Eggleston
©William Eggleston

Les bleus du ciel, le rose des barbe-à-papa crient aussi. Rose encore, cette salle de bains où un paquet de bigoudis jaunes sont posés sur les toilettes. Les stations essence sont toujours là et Eggleston va pouvoir jouer avec le rouge des pompes rouillées sous la pluie.

Il n’y a pas grande présence humaine dans les photos d’Eggleston, même si sa trace est partout. Au fond d’un café, une dame pomponnée et un peu triste est seule à sa table, dans un autre, un homme seul regarde par la fenêtre. Parfois, le photographe montre des fragments, des pieds dans le sable, une fille sans tête ni pieds.

Les lieux, anonymes, interchangeables, ne sont pas identifiés, les images sont à peine légendées et vaguement datées.

En 1974 William Eggleston rencontre John Szarowski, alors directeur de la photographie au MoMA, qui l’expose dans le grand musée new-yorkais en 1976. L’exposition est controversée mais elle et constitue une étape importante dans la reconnaissance de la photographie couleur par l’institution. Même si d’autres photographes à la même époque et même avant lui (Saul Leiter par exemple) travaillaient déjà en couleur.

William Eggleston n’a pas photographié que le sud américain. Plus tard, il a voyagé au Japon, à Berlin, en Chine. En France, il a travaillé sur Paris et sur Dunkerque. L’exposition de la Fondation Cartier-Bresson n’est pas une rétrospective, elle se concentre sur ce moment où le photographe achève d’affirmer son regard singulier et de promener sa « caméra démocratique » en se mettant à utiliser des films couleur.

« Un nouveau langage photographique » est alors né, selon Agnès Sire, la directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson et commissaire de l’exposition.

William Eggleston, From Black and White to Color, Fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis, 75014 Paris. Du mardi au dimanche, 13h-18h30, nocturne gratuite le mercredi de 18h30 à 20h30
Samedi, 11h-18h45, fermé le lundi jusqu’au 21 décembre 2014
Tarifs : 7€ / 4€ (gratuit en nocturne le mercredi soir)

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