Faut-il photographier des enfants qui meurent de faim?

«Je n’ai jamais su quel comportement adopter face à des gens mourant de faim lors de mes reportages».

Barry Malone travaille dans la Corne de l’Afrique depuis 2006. Il est irlandais, reporter et photographe pour l’agence de presse britannique Reuters.

Cette phrase, qui ouvre l’une de ses réflexions sur le métier de photoreporter, pourrait tout aussi bien être celle d’un de ses confrères, Tyler Hicks. Car l’une des photos de ce dernier, parue en une du quotidien américain The New York Times le 2 août 2011, a relancé le débat sur l’intérêt ou non de montrer des enfants mourant de faim.

 Dans cette perspective, le webzine Salon se pose la question: «Un photographe peut-il encore changer le monde?»

«Je sais que beaucoup de lecteurs ont trouvé la photo dérangeante. C’est bien. La mort de milliers d’enfants somaliens doit, au moins, nous déranger», explique l’un des directeurs de publication du New York Times, Bill Keller.

C’est en effet l’une des justifications qu’apportent les journalistes à ceux qui leur reprochent de témoigner de la famine sans aider, comme le caricaturiste Khalid Said. Celui-ci a publié le 2 août 2011 un dessin montrant un photographe indifférent au sort de l’affamé dont il vient de tirer le portrait. Mais pour le photojournaliste, ce n’est pas aussi simple: «Ensuite nous partons. Nous remercions. Merci de m’avoir parlé. Merci d’avoir brandi votre bébé mourant devant mon appareil photo. Et merci pour votre dignité. Merci de me l’avoir donnée», écrit avec ironie Barry Malone, pour exprimer son sentiment d’impuissance sur le terrain.

Le reporter irlandais a d’ailleurs pris une photo qui met en abyme son dilemme. C’est celle d’un humanitaire prenant en photo avec sa tablette iPad la carcasse d’un bœuf mort de faim, le 23 juillet 2011. Comme le New York Times, le magazine américain The Atlantic estime que ce genre de photos peut avoir un réel impact:

«Pour les experts, ce cirque médiatique, humanitaire et diplomatique sera nécessaire tant qu’il y aura des gens mourant de faim en Afrique parce que les gouvernements —tant africains qu’étrangers— répondent rarement à temps aux menaces de catastrophe».

Et vous quel est votre avis sur la question ? Où se trouve la limite entre le devoir d’alerter les gens sur la misère, les horreurs, qui se déroulent juste au coin de la rue, et le voyeurisme ? On serait tenté de dire que, tant que l’on photographie dans un cadre purement professionnel, nous nous trouvons du bon coté de la barrière. Faudrait-il alors, pour autant,  interdire l’utilisation de l’appareil photo aux « touristes » dans des zones dîtes sensibles ?

Source : www.slateafrique.com

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