Interview de Jean-François Leroy, directeur de Visa

Jean-François Leroy, le directeur du festival du photojournalisme Visa pour l’image Perpignan, a accordé une longue interview à Olivier C.Laurent, News Editor au British Journal of Photography. Un entretien fleuve dans lequel JFI dressait un vaste panorama de l’édition 2012, mais s’exprimait aussi plus largement sur sa conception du photojournalisme.

RemiLa mort de Rémi Ochlik
Rémi, je le vis mal, parce qu’il avait 28 ans et qu’il était bourré de talent. C’était un mec tellement gentil, aimable. Il est mort le 22 février. On a fait un petit hommage avec ses copains le 22 au soir au 61. Quand je suis rentré, j’ai fait un mail à Jean-Marc Pujol, le maire de Perpignan : « Rémi, c’était un pote de Visa pour l’Image, c’était un bébé de Perpignan. Je voudrais vous proposer de rebaptiser le prix du Jeune reporter en prix Rémi Ochlik. » Il m’a répondu oui tout de suite.

Le coup de gueule annuel de JFI
Cette année, c’est la mode Hipstamatic, Instagram qui m’exaspère. Si je photographie une poubelle avec Instagram, la photo est jolie mais je n’y suis pour rien, c’est l’appareil qui fait tout. Où est l’œil du photographe ? En revanche, quand Karim Ben Khelifa photographie en Syrie avec un iPhone, je comprends que c’est pour des raisons de sécurité. Mais on peut faire des photos avec un iPhone sans utiliser Instagram ou Hipstamatic.(…)
Quel que soit l’outil, ce qui nous intéresse c’est l’œil. Hipstamatic, Instagram, c’est une paresse intellectuelle et ça devient un « truc ». Et ce n’est pas parce qu’on fait des photos à l’Hipstamatic que c’est un sujet.

La désertion des grandes agences
Une des quatre plus importantes et qui faisait partie des piliers, Corbis, a annulé son stand. Mais soyons réalistes, l’attrait de faire un centre de presse était valable lorsqu’il y avait des acheteurs qui avaient un chéquier dans les journaux. Où sont-ils aujourd’hui ? C’est une vraie question.

Visa pour l’image et le ministère de la culture
Les derniers ministres de la Culture, que ce soit Renaud Donnedieu de Vabres ou Frédéric Mitterrand, avaient un engagement sincère auprès des photojournalistes, et ils l’ont prouvé. Mais le système politique français est un système qui fait que quand on change de ministre, il y a de nouvelles orientations. C’est vrai que je suis un peu déçu, parce qu’on se retrouve tous les ans ou tous les deux ans, avec les quarante mêmes personnes, avec qui on redéfinit les deux cents mêmes problèmes ; et le temps que les choses bougent, le ministre change et il faut recommencer.

L’iPad, un nouveau débouché pour les photographes ?
Quand on me dit : « Tu veux voir les photos du tsunami ? Achète-toi 3.11 Project. Tu veux voir les lions de Nick Nichols ? Tu veux voir l’œuvre de Giacomelli : 14 euros. Tu veux voir Via PanAm de Kadir Van Lohuizen : 5 euros. » C’est très bien, très amusant, c’est une découverte. Maintenant, je voudrais qu’on me dise combien ils en vendent.
Paris Match ou le Figaro Magazine, leur application a été chargée à des dizaines de milliers d’exemplaires. Mais ceux qui paient leur magazine toutes les semaines, on en compte un millier et quelques… les bonnes semaines.

La fin des tables rondes de Visa pour l’image
Nous avons essayé depuis des années d’organiser des tables rondes sur le droit des photographes, les tarifs syndicaux non respectés, etc. Quand nous avons commencé il y a dix ans avec Freelens, nous avions des audiences de 200-250 personnes. La dernière fois que nous l’avons fait, il y avait 18 personnes. Être au déjeuner Paris Match, oui. Être à la fête , oui. Être au pot Getty AFP, oui. Mais venir au Palais des congrès pour entendre une conférence intelligente, visiblement ça n’intéresse personne.

Source : zigzags.blogs.lindependant.com

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