Fernando Moleres – Juveniles in Prisons

Au fond, il a toujours su que photojournaliste n’était pas un métier « utile ». Mais on se satisfait si bien dans ce milieu de « dénoncer », de « raconter », de « s’engager », que Fernando Moleres y a cru, un peu. Ses projets l’amenaient en Inde, au Rwanda, à la frontière mexicaine, à enquêter sur le travail des enfants ou sur les conditions de survie des mineurs de la Sierra Leone dans des prisons pour adultes. 

C’est là, en 2010, qu’il rencontre Abdul pour la première fois. L’adolescent croupit dans la prison centrale de Freetown, la capitale : un établissement conçu pour accueillir 220 détenus et qui en compte aujourd’hui 1 300. Abdul a été condamné pour le vol d’une radio et attend son jugement dans des conditions effroyables que capte le photographe espagnol. Lui qui a été infirmier soigne petits bobos et grandes infections. Et, lorsqu’Abdul passe enfin devant le tribunal, le photographe paie l’équivalent de 30 euros pour acheter sa libération. Un sourire, un ticket de bus, et Abdul est renvoyé dans la nature, libre.

« J’ai vite compris qu’Abdul, sans argent, sans famille, sans avenir, allait retourner dans la rue », raconte le photographe. De fait, le jeune homme vole un téléphone portable et est envoyé, cette fois, dans une prison pour mineurs. « Vous voyez l’arbitraire de cette justice ? À quatorze ans, on t’envoie chez les adultes, à seize, chez les mineurs. C’est n’importe quoi. » 

Le reportage de Fernando Moleres est publié dans de nombreux pays à partir de 2011. « J’ai reçu de l’argent, des bourses, mais les garçons restaient là-bas, enfermés. Il fallait leur rendre ce que j’avais reçu. » Il démarche plusieurs organisations, mais aucune ne s’engage « contre cette situation humanitaire désastreuse » : « Je ne comprenais pas. »

L’Espagnol prend les choses en main et crée sa propre ONG, Free Minor Africa. Il trouve un lieu, dans un village de pêcheurs, « loin des bandes et des tentations », où peuvent se reconstruire les vies abîmées des petits délinquants. Puis il loue une maison, gérée par un tuteur, et paie en plus pour leur nourriture et leur scolarisation. « On m’envoie parfois des donations et, pour chaque photo que je vends, l’argent part directement en Sierra Leone… », explique le photographe de sa voix douce. Les sommes sont rondelettes, le don conséquent. « Oh vous savez, pour moi je n’ai pas besoin de grand chose… »

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