Marion Hislen, ancienne directrice du festival Circulation(s), a été choisie pour occuper le poste de déléguée à la photographie au sein du ministère de la Culture, dans l’équipe de Régine Hatchondo, directrice générale de la création artistique (DGCA). La conception de ce poste avait été annoncée par Françoise Nyssen au lancement des Rencontres d’Arles, l’été dernier. Cette nomination entérine l’inscription de la photographie au sein de la DGCA, aux côtés de la musique, du théâtre, de la danse et la démarque ainsi des arts plastiques. Avec l’arrivée de Marion Hislen, la photo a désormais un visage – jovial – et une interlocutrice – volontaire – au ministère. Le tout dans un corps d’ex-ballerine. C’est aussi une figure identifiée, une grande gueule, car l’ex-directrice de Circulation(s) s’est fait connaître en portant à bout de bras son festival, tapant aux portes et sollicitant des personnalités clés du milieu.
Rappelons que la photo, à la fois secteur économique et champ de création, est un domaine paradoxal : en expansion dans notre quotidien via les smartphones, festivals et expos, c’est aussi un domaine en crise. Photographes et professionnels du secteur subissent les mutations du numérique. Ces métamorphoses ne sont pas pour déplaire à l’intéressée : «La photographie est une discipline liée à la technique, elle est en constante évolution. C’est aussi ce qui fait qu’elle est dans la vie, avance Marion Hislen. Avec la photographie, on est dans une révolution permanente.» Avant son arrivée rue de Valois, elle s’impatiente déjà de ne pas être dans l’action tout en restant dans l’expectative quant aux contours précis de son poste : «Ne pas avoir d’expérience en institution, cela me donne une énergie et une spontanéité qui m’ouvre des portes. Mais je peux aussi souffrir de la lenteur, je ne suis pas patiente. J’ai envie de faire bouger les choses.» Pour avoir connu les joies et les affres de la direction d’un festival créé de toutes pièces, à la recherche de partenaires et de coups de pouce des institutions, elle convient que «la photo a souffert d’un manque de représentation, et de personnes qui la défendaient.»
Pétillante et opiniâtre, Marion Hislen a abordé la photographie en franc-tireuse, escaladant le versant associatif du secteur tout en motivant des troupes de bénévoles passionné(e)s autour d’elle. Née en 1972, (père architecte, mère pianiste), elle aurait dû être danseuse classique. Mais commence dans le télé-achat, au sein de la société de Pierre Bellemare. La rétrospective de Nan Goldin en 2001 au centre Pompidou est un choc. Mais, tout juste séparée avec deux enfants, elle range au placard ses rêves de photographie. Elle les réalise en parallèle d’un job de marketing pour les papiers Hahnemühle en créant l’association Fetart en 2005 : «J’avais envie de faire des expos et d’avoir des photographes autour de moi. La première a eu lieu dans une cave et s’appelait « Vingt Photographes d’aujourd’hui ».»
En 2011, elle crée Circulation(s) tout en travaillant à l’action culturelle de la Fnac, empiétant sur ses nuits. «J’ai été très à l’écart du milieu, car je ne fais pas partie du sérail. En France, soit on ne te répond pas, soit on te répond non. Et même quand tu trouves des interlocuteurs, cela manque de solidarité. Je pense que si on dit non, il faut dire non, MAIS…» S’appuyant sur une équipe largement féminine, elle a défendu la jeune création européenne, dans une approche festive et grand public. Elle s’y est consacrée pleinement pendant deux ans de chômage après avoir quitté la Fnac. Autre corde à son arc, en juin 2017, elle crée «les Filles de la photo», une association en forme de dîners de copines pour «créer un réseau professionnel de femmes. J’avais constaté une méconnaissance de l’écosystème des métiers de la photo. J’aime fédérer». Est-ce à dire que le secteur est réservé aux hommes ? «Cela dépend des métiers. Les iconographes sont plutôt des femmes, les retoucheurs des hommes, et, bien sûr, les postes de direction sont majoritairement masculins !»
Sa nomination au ministère a un petit goût de revanche et Hislen se pose en rassembleuse : «Il n’y a pas une photographie mais des photographies, avec des ramifications dans la presse, la pub, l’art, les galeries… Comme une grappe de raisin, la photo est une discipline segmentée qui touche au photojournalisme, à la création et au patrimoine…» Face aux dossiers qui l’attendent, entre autres l’érosion vertigineuse des photojournalistes de presse – 677 photojournalistes en 2017 contre 806 en 2014 -, les retards de paiements des photographes, la commande publique, le maillage territorial de centres d’art dédiés à la photo, les festivals, les écoles, les archives photos- «on va être face à une génération de photographes français qui vont vouloir donner leur fonds» – elle reste encore prudente. L’autodidacte a signé un CDD, ce qui fait monter d’un cran la pression. Rendez-vous dans trois ans, pour un bi1an.