Le photojoutnalisme a encore de beaux jours devant lui

En janvier dernier, la rédaction du Washington Times prenait la décision de fermer son service photo. De même, en avril, le Chicago Sun Times licenciait tous ses photographes et forme désormais ses journalistes aux bases de la photographie sur iPhone. En 2010, deux célèbres agences de photoreporters, Gamma et Sygma, déposaient le bilan. La situation parait donc préoccupante pour le photojournalisme, qui pâtit des récentes avancées technologiques.

Le photographe Reza, actuellement en reportage en Azerbaïdjan, a accepté de répondre à nos questions quant à l’avenir de sa profession. Et il dresse, contre toute attente, un constat plutôt optimiste.

Les nouvelles technologies menacent-elles le photojournalisme de disparaitre ?
Le photojournalisme, c’est s’exprimer en images, et c’est un des métiers les plus anciens du monde. Je pense aux premiers dessins datant d’il y a 43 000 ans dans les grottes, aux peintures sur les rochers, ou encore aux fresques égyptiennes. Illustrer sa vie quotidienne est un besoin de l’humanité. Cela a toujours existé et existera toujours.
Aujourd’hui, grâce à l’avènement du web, le support pour nos photos est bien plus vaste qu’autrefois. Le photojournalisme ne devrait donc pas être près de disparaitre – au contraire, tout porte à croire que son Âge d’or ne fait que commencer. Cependant les outils changeront, on utilisera peut-être un jour les lunettes google pour photographier, par exemple.
Je pense que nous vivons la même époque charnière qu’aux débuts du stylo bic: cela a permis à tout le monde d’en avoir un dans sa poche, alors qu’avant cela, la plume était réservée aux élites et écrivains. Nous savons désormais que le fait que tout le monde ait son bic dans la poche n’a pas multiplié les Victor Hugo ou Balzac.
C’est pareil pour les appareils photos d’aujourd’hui. Tout le monde peut appuyer sur un bouton et capter ce qu’il se passe, cela n’en fait pas plus de grands photographes ni de belles photos. Ce n’est pas l’outil qui fait l’artisan.

Cette année, les différents prix – du Pulitzer au World Press Photo Award – ont surtout été attribués à des photos de conflits. L’avenir du photojournalisme se trouve-t-il exclusivement dans les photos de guerre?
En regardant toutes les photos primées par World Press en 50 ans, on constate que 90% de ces clichés sont de conflits ou de situations dures. En général, la profession de photojournaliste suit l’actualité du journaliste, et dans notre civilisation celui-ci est un peu considéré comme porteur de mauvaises nouvelles.
En réaction, un autre mouvement que je revendique est en train de s’imposer: le journalisme positif. Alors que d’autres photographient les cadavres, les personnes mortes dans une explosion, je choisis plutôt de me tourner vers le survivant, pour capter l’horreur de la guerre dans son regard.

Avec l’avènement et la popularité de Photoshop, n’y a-t-il pas le risque que la photo perde de sa portée journalistique en « mentant » à son spectateur?
Aucun appareil photo jusqu’à aujourd’hui, même le plus avancé, n’a pu rendre exactement ce que l’oeil du photographe a vu. D’ailleurs la correction photographique a toujours existé. Je repense par exemple à cette fameuse photo de Lénine au début du XXe siècle sur laquelle il est entouré de personnes qui avaient fait la révolution à ses côtés. Dès que l’un d’entre eux tombait dans la disgrâce, il disparaissait de la photo.
Dans la profession, nous sommes restés très attachés à ce que cette manipulation ne dénature pas ce que nous avons vu ni n’enlève le message de la photo. Essayer de rendre l’image la plus fidèle possible à la réalité, ce sont les seules manipulations qui soient acceptées.

Source : l’Express, Anne-Yasmine Machet, publié le 

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