Jonas Bendiksen – The Last Testament

En 2006 avec le projet Satellites il a passé sept ans, à traiter des communautés isolées aux confins de l’ex-Union soviétique. Jonas a ensuite réalisé le projet The Places We Live (2008), pour lequel il a passé trois ans à photographier des gens vivant dans des bidonvilles en Inde, au Kenya, en Indonésie et au Venezuela.

Pour son projet, The Last Testament, Jonas a suivi sept hommes à travers le monde, se présentant tous comme une réincarnation de Jésus Christ. Cela n’est pas simplement lié à sa fascination pour les personnes vivant en marge de la société et dans des enclaves ; il s’inspire également de son intérêt pour la religion qui l’anime depuis toujours.

Le fait que les deux projets portent sur des marginaux est toutefois presque fortuit. « Je me contente simplement de suivre les choses qui m’intéressent et découvre ensuite le lien qui les unit, » dit-il. « Mais c’est plus une réflexion a posteriori. Il n’y a pas de plan directeur. »

Female members of the Church of the Last Testament stand in coats with fur-lined hoods and shawls on their shoulders.Jonas a toujours été fasciné par la religion dont il s’est inspiré pour son dernier projet, The Last Testament. © Jonas Bendiksen / Magnum Photos

« Ma famille n’était pas croyante, mais j’ai rapidement réalisé que mes amis d’enfance avaient la foi ainsi qu’une vision du monde et de la vie légèrement différente, » confie-t-il. « J’ai toujours été fasciné par les textes sacrés et religieux, qu’il s’agisse de la Bible, du Coran ou d’autres écrits. Peut-être parce que je n’ai jamais vraiment su ce que l’on ressent lorsque l’on est croyant. La foi a toujours été un mystère pour moi. »

Le projet de Jonas a été financé par la fondation Freedom of Expression, basée à Oslo, ainsi que par la chaîne de télévision et de radio norvégienne NRK. Trouver des fonds pour ces projets est bien souvent compliqué. « J’ai le sentiment d’avoir passé ma vie à chercher des fonds pour financer mes projets de manière indépendante, » explique-t-il. « Ça n’a jamais été simple, et ça ne l’est toujours pas, mais je poursuis mes efforts et je finis par y arriver. »

A temple to Vissarion, leader of the Church of the Last Testament, in south Siberia.Un temple dédié à Vissarion dans le village des Vissarionites de Petropavlovka. © Jonas Bendiksen / Magnum Photos

L’un des messies modernes que Jonas a photographiés était Vissarion, un ancien agent de la circulation qui, en 1990, a eu la révélation d’être une réincarnation du messie chrétien. Plus de 5000 fidèles le suivent et vivent au sein d’une communauté autonome avec des écoles et des églises, dans une région isolée de la Sibérie du sud.

L’histoire de Vissarion a joué un rôle essentiel dans le cadre du projet Last Testament. « J’ai entendu parler de lui pour la première fois lorsque je travaillais en tant qu’indépendant en Russie dans les années 2000, » se souvient Jonas. « En 2013, j’ai eu le sentiment qu’il fallait que je travaille sur la religion. J’ai donc vérifié s’il existait toujours. Je n’ai eu aucun mal à le retrouver et je me suis alors lancé dans cette aventure. »

Jonas a écrit à l’organisation de Vissarion et lui a demandé s’il pouvait photographier la communauté. L’année suivante, il leur a rendu visite à plusieurs reprises et séjourné avec eux pendant 10 jours à chaque fois. Il lui paraissait important d’approcher Vissarion et ses fidèles en faisant preuve d’ouverture d’esprit et d’objectivité.

Members of the Church of the Last Testament dressed in white robes process across a snow-covered landscape.Les fidèles de Vissarion bravent les éléments pour participer au pèlerinage de Noël de la communauté, par -30° C. © Jonas Bendiksen / Magnum Photos

Les restrictions auxquelles Jonas s’est retrouvé confronté au départ, notamment dans le village dans lequel Vissarion réside, ont été assouplies après un certain temps. « Ils m’ont autorisé à travailler sans « chaperon », un témoignage de confiance de leur part », explique-t-il. « J’ai également essayé de respecter leurs souhaits. J’ai donc évité d’errer et de prendre les gens par surprise, et dû travailler de façon subtile, sans les perturber. »

Au final, bien qu’il n’ait pas tout à fait réussi à « se glisser dans sa vie », Jonas est parvenu à créer un portrait fascinant de l’univers de Vissarion, à savoir ses disciples, la communauté élargie ainsi que leurs cérémonies et rituels.

En réfléchissant à ses expériences avec l’Église du Dernier Testament, Jonas explique qu’il a été surpris par sa propre réaction face à la communauté.

« Si je n’avais pas eu mes propres attaches chez moi, j’aurais facilement pu les rejoindre et vivre avec eux », avoue-t-il. « Leur mode de vie et leur communauté m’ont ému, et je pourrais, du moins de façon temporaire, comprendre ce que l’on ressent lorsque l’on a cette foi. J’étais arrivé à un stade où je pouvais véritablement la percevoir. J’ai, d’une certaine manière, accompli ma mission.

« La plupart des gens les trouvent étranges et décalés, mais plus j’y réfléchis et plus j’ai du mal à déterminer ce qui fait que leurs croyances et leur messie sont moins plausibles que toutes les autres choses auxquelles les gens croient. »

Jonas explique que le projet l’a également aidé à mieux se connaître. « En vivant comme des marginaux, ces gens font preuve de courage et de force, voire parfois de cran, » estime-t-il. « Je pense être quelque part mal à l’aise de vivre de façon aussi conventionnelle. Il y a quelque chose d’admirable dans le fait de vivre à l’écart, et c’est cela qui me fascine. »

Rédigé par David Clark, canon.fr

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