La Maison européenne de la photographie à Paris expose Joel Meyerowitz, un des précurseurs de la couleur en photographie, dès 1962. William Klein avait fait bouger New York en noir et blanc, Meyerowitz fait trépider les couleurs de sa ville. Il voyage aussi à travers les USA et l’Europe. En 2001, il photographie les ruines du World Trade Center (jusqu’au 7 avril 2013)
Joel Meyerowitz est un des premiers artistes à avoir photographié en couleur, dès le début des années 1960 : New York beaucoup, puis le reste des Etats-Unis et l’Europe. A ses débuts déjà, la couleur est pour lui une évidence. Meyerowitz a vingt ans et il ignore qu’elle est mal vue dans le milieu « très sérieux » de la photographie artistique où seul le noir et blanc est considéré.
La révélation de la photographie, il l’a eue en 1962, dit-il, en voyant Robert Frank travailler, bouger avec son appareil photo. Il aime lui-même « danser » avec son Leica. « C’est à cause de Robert Frank que je fais de la photographie », confiait-il au Guardian en novembre dernier, tout en précisant : « Mais ce n’est pas de voir son travail qui m’a bouleversé, c’est de le voir travailler. »
Robert Frank et son livre « Les Américains », c’est la référence pour toute une génération de photographes. Et Robert Frank, comme tous les autres à cette époque, travaille en noir et blanc.
Pendant quelques années, Meyerowitz fait du noir et blanc et de la couleur, parallèlement. Dans les années 1960, il se promène toujours avec deux appareils.
« J’étais un enfant des rues élevé dans des immeubles de l’East Bronx à New York », raconte Meyerowitz dans un livre paru en 2012, « Joel Meyerowitz : Taking My Time » (Phaidon). C’est donc tout naturellement qu’il fait de la photo de rue dans sa ville, en noir et blanc et en couleur. Il y photographie des gens perdus qui jamais ne se regardent.
Il passe ses journées dans la rue. Avec son ami Gary Winogrand, il marche toute la journée. « On était comme des pêcheurs sur la 5e Avenue. On filtrait les informations humaines qui s’écoulaient dans la rue », raconte Meyerowitz dans une vidéo diffusée par les Editions Phaidon, où il dit qu’il a appris la vie en regardant la rue.
New York paraît bien terne en noir et blanc, alors que les orange, les rouges, les verts claquent, animant la réalité d’une ville trépidante.
Meyerowitz part aussi sur les routes de l’Ouest « dans les pas » de Robert Frank : « J’apprenais à laisser le monde prendre vie devant mes yeux », raconte-t-il.
Après avoir fait quelques économies, en 1966-1967, il voyage en Europe. De ce périple, de l’Allemagne à l’Irlande en passant par la France, l’Espagne ou l’Italie, il dit qu’il a été un tournant dans sa vie. Là encore, il fait des photos de Paris ou de Malaga en couleur et en noir et blanc. On se dit que le noir et blanc va bien à la Turquie ou à l’Espagne. Mais derrière l’objectif de Meyerowitz, la couleur traduit mieux peut-être l’intensité dramatique de la rue espagnole, quand un attroupement regarde un cheval renversé avec sa carriole, entre ombre et soleil.
Parfois, le photographe s’est amusé à prendre la même scène en noir et blanc et en couleur et il les a juxtaposées. Quelques-unes de ces vues doubles sont exposées à la MEP. Et la supériorité de la couleur ne fait aucun doute. Elle donne un relief indéniable aux jardins de Chenonceaux, sinon d’une triste griseur. Elle fait frémir la lumière de Floride et réchauffe une image du Jeu de Paume à Paris.
En rentrant d’Europe, Meyerowitz a examiné ses «doublons » et en est arrivé à la conclusion que « l’image en couleur était plus riche d’informations, qu’il y avait beaucoup plus à voir et à réfléchir, tandis que le noir et blanc réduisait le monde à des nuances de gris ».
Au Guardian, il déclarait : « Le monde était en couleur. Ca me semblait tellement évident (…). Pour moi, le noir et blanc, c’était le passé, c’était l’histoire. »
En tout cas, Meyerowitz n’est pas un photographe du noir et blanc et, dans les années 1970, il l’a abandonné pour s’en remettre entièrement à son inclination première pour la couleur, devenant ainsi un des premiers photographes américains à l’adopter.
Il shoote les rues vides de Saint Louis, Missouri, des pavillons et des enseignes dans la lumière irréelle du crépuscule ou de la nuit.
© Joel Meyerowitz
Plus tard, il s’attelle au portrait, attiré inconsciemment par les roux (« redheads ») sur les plages de Cape Cod, où ils sont rendus encore plus roux par le bleu du ciel. Il s’interroge sur l’art du portrait, l’humilité qui lui semble essentielle pour le pratiquer, la « simplicité et l’honnêteté » qu’il requiert selon lui.
Enfin, Joel Meyerowitz a eu l’autorisation exceptionnelle de faire des images pendant neuf mois, dans les ruines du World Trade Center à New York, après le 11 septembre 2001. Il voulait laisser des documents sur l’événement, pour les générations à venir. En couleur bien sûr.
Joel Meyerowitz, une rétrospective, Maison européenne de la photographie
5 / 7 rue de Fourcy, 75004 Paris
tous les jours sauf lundi, mardi et jours fériés
du mercredi au dimanche, 11h-20h
tarifs : 8 € / 4,5 €, gratuit le mercredi de 17h à 20h
du 23 janvier au 7 avril 2013