David Goldblatt, une des grandes figures de la photographie sud-africaine, qui avait suivi sans complaisance l’évolution de la société de son pays depuis l’apartheid, est décédé lundi, a annoncé le Centre Pompidou. Le Musée national d’art moderne venait de lui consacrer sa première grande rétrospective en France.
David Goldblatt, disparu à l’âge de 87 ans, « était l’une des figures majeures de la photographie de notre époque, une conscience éthique et morale du rôle de l’artiste dans nos sociétés », a déclaré Bernard Blistène, le directeur du Musée national d’art moderne. 70 ans de la société sud-africaine avaient défilé derrière son objectif.
Né en 1930 dans une famille juive d’origine lituanienne et lettone, il avait dû reprendre le commerce de vêtements de son père quand celui-ci était tombé malade, alors qu’il rêvait déjà d’être photographe et faisait déjà des portraits de gens autour de lui, dans la rue. C’est à 30 ans seulement qu’il avait pu être photographe à plein temps.
David Goldblatt n’était pas un photojournaliste. Il faisait de la photographie documentaire et même s’il disait « l’art ne m’intéresse pas », il y avait une grande beauté dans ses images. Lors de sa rétrospective au Centre Pompidou, en février dernier, il se définissait comme « un réaliste, qui traite du monde qui m’entoure ».
« Pour moi, la photographie est un outil magique parce qu’elle rapporte clairement la réalité et en même temps autre chose que la réalité. C’est cette tension qui me stimule », disait le photographe, en perpétuelle réflexion.
Inlassablement, pendant des décennies, il avait parcouru son pays natal, racontant avec son appareil photo son histoire, sa géographie, sa société. Il photographiait les gens et les lieux significatifs des structures sociales. Il avait suivi les groupes sociaux et « raciaux », sous l’apartheid et après, alors que la société gardait des traces de la ségrégation institutionnalisée. Dans les années 1960, il s’intéressait aux mines de sa ville natale, aux directeurs blancs comme aux ouvriers noirs. Il photographiait aussi sans manichéisme les Afrikaners à l’origine de l’apartheid. Puis les banlieues de la classe moyenne blanche.
En 1972, il avait travaillé pendant six mois dans l’immense township de Soweto, où les blancs n’allaient pas, accompagné d’un jeune qui lui servait de guide. Il était entré dans les maisons pour rencontrer les familles et faire des portraits. Il s’était penché aussi sur le cauchemar des transports pour les habitants des bantoustans qui travaillaient à Pretoria.
En 2008, il avait photographié d’anciens délinquants sur les lieux de leur délit. En 2016, il s’était intéressé aux révoltes étudiantes et il y a quelques mois encore, il faisait encore des images.
David Goldblatt avait publié dans les plus grands magazines internationaux, du New York Times Magazine à The Observer et il était exposé dans le monde entier. Il avait été le premier photographe sud-africain à exposer en solo au Museum of Modern Art (MoMA) de New York en 1988.
Source: Culturebox, Valérie Oddos