« 6 mois » le nouveau magazine photo

Un peu plus de deux ans après avoir lancé «XXI», et prouvé que la création d’un nouveau journal par les temps qui courent n’est pas nécessairement synonyme de faillite annoncée, Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry reviennent avec un défi au moins aussi fou: sortir une revue photographique à l’heure où les poids-lourds du domaine battent de l’aile.

«6 mois» mise avant tout sur une qualité irréprochable pour séduire le public. Qualité des images bien sûr, mais aussi de la mise en page et du support lui-même (papier haut-de-gamme, sans brillance, idéal pour les photos). Résultat: un bel ouvrage très agréable à parcourir.

Sur le fond, la revue propose des sujets traités en profondeur et venant des quatre coins de la planète. Au sommaire du premier numéro par exemple: Haïti, Chine, Angleterre, Guinée-Bissau, Tunisie… et une liste de crédits photographiques qui rassemble près de vingt nationalités.

BibliObs a posé quelques questions à Marie-Pierre Subtil, rédactrice en chef d’une revue qui ose renouer avec le véritable reportage photographique à l’heure où une déferlante d’illustrations vaines inondent la presse écrite.

BibliObs. – Pouvez-vous nous présenter le projet en quelques mots?
Marie-Pierre Subtil. – De nos jours on est submergé d’images sans en avoir la lecture. Parce qu’on ne s’arrête pas dessus, parce qu’on ne prend pas le temps de les comprendre. Aujourd’hui, tout le monde a un appareil photo, les images arrivent de partout, partent dans tous les sens, mais elles ne racontent pas d’histoires. Au contraire, «6 mois» propose de partir des images pour raconter le monde d’aujourd’hui. Le but de la revue est de donner du sens à de bonnes images.

BibliObs. – Comment cette volonté se traduit-elle dans la revue?
M.-P. Subtil. – «6 mois» propose avant tout des regards travaillés sur la longueur. En privilégiant les longues enquêtes, les reportages au long cours, nous entendons renouer avec la grande tradition du photojournalisme. La revue s’articule donc autour de longs portfolios. Dans ce premier numéro, le plus petit compte vingt photos et le plus long cinquante. Ce dernier est un véritable travail d’immersion puisque la photographe américaine Darcy Padilla a suivi son sujet pendant 18 ans.

BibliObs. Lancer un nouveau magazine photographique alors que des journaux comme «Géo», «Photo» ou encore le «National Geographic» ne cessent de perdre des lecteurs: le moins que l’on puisse dire c’est que c’est un pari osé…

M.-P. Subtil. – «XXI» aussi était un pari osé et pourtant ça marche. Les gens ne sont pas idiots. Il y a une demande pour du vrai journalisme. Il est évident qu’en lançant un journal papier on prend le contrepied de la tendance qui veut que l’avenir de la presse passe par internet. De même, proposer de longues enquêtes va à l’encontre de ce qu’on voit de plus en plus dans les journaux. Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry poursuivent l’objectif initié avec «XXI»: réfléchir sur la manière de faire du journalisme.

BibliObs. «6 mois» est appelé à devenir une revue internationale?
M.-P. Subtil. – Oui, nous souhaitons la faire traduire dans d’autres langues afin qu’elle puisse être publiée simultanément dans plusieurs pays. Mais il nous fallait d’abord lancer ce premier numéro pour pouvoir chercher à étendre sa publication. «6 mois» n’est pas une revue française. C’est un projet universel. L’idéal serait qu’on croise des regards de photographes des quatre coins du monde et pas seulement des occidentaux qui photographient le Tiers-Monde. Et que la revue soit lue partout autour du monde.


Propos recueillis par Jonathan Reymond


«6 mois», n°1, 350 pages, 25 euros
6mois.fr

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