Visa d’or pour Laurent Van der Stockt

Le photographe Laurent Van der Stockt, qui a couvert le conflit en Syrie pour Le Monde lors d’un reportage de deux mois, dans la clandestinité, aux côtés des rebelles de l’Armée syrienne libre sur les fronts de Damas, a remporté le prix du Visa d’or « news » au festival du photojournalisme Visa pour l’image à Perpignan, samedi 7 septembre.

Le festival a récompensé son « enquête photographique » et son travail depuis décembre 2012 dans cette zone de guerre. Avec le reporter du Monde Jean-Philippe Rémy, le photographe a notamment été témoin d’attaques au gaz chimique par les forces du régime de Bachar Al-Assad, dont ont été victimes les rebelles.

« Le jury pouvait récompenser un travail plus photographique, avec des images de combat extraordinaires, mais il a choisi un travail journalistique, a déclaré le lauréat interrogé le lendemain, saluant les photos très fortes prises en Syrie par Goran Tomasevic, de l’agence Reuters, également nommé. Je trouve que cela envoie un bon message aux jeunes photojournalistes : le but n’est pas de faire des photos pour exposer ou gagner des prix, mais d’essayer de s’approcher un peu de la vérité. »


Guerre chimique à Damas par lemonde.fr

Le photographe français, né en Belgique en 1964, a effectué quatre voyages en Syrie depuis juillet 2012, lors desquels il a couvert l’offensive rebelle sur Alep et les bombardements intenses de la ville par l’armée régulière. Lors de son dernier voyage, en avril, à Damas, avec le reporter du Monde Jean-Philippe Rémy, ils ont été témoins de l’utilisation d’armes chimiques dans la capitale syrienne – publiant la première enquête indépendante sur le sujet et rapportant des échantillons à des fins d’analyses.

Le photographe a lui-même ressenti les effets des armes chimiques. Alors qu’il se trouvait sur une zone de front, dans le quartier de Jobar, un bombardement a eu lieu – une attaque silencieuse, invisible. « Les radios crépitaient, les combattants mettaient leurs masques, mais personne ne savait rien. Le jeune homme qui m’accompagnait, Mounir, m’a tiré par la manche pour qu’on parte, et il a bien fait. Le soir, je croyais que l’électricité avait été coupée. En fait, j’avais les pupilles minuscules, j’avais été touché – de façon minimale. A partir de ce jour-là, nous sommes allés dans tous les centres médicaux de la région, pour enquêter et collecter des preuves. » Dans ses images, le photographe montre les Syriens aux prises avec les armes chimiques : les blessés soulageant leurs yeux avec du sérum physiologique, les combattants protégés de masques à gaz.

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Laurent Van der Stockt a expliqué la difficulté du reportage. « Six mois d’enquête et d’approche, pour quelques jours de prises de vue effectives. Entrer à Damas, et surtout en sortir, a été extrêmement long et compliqué, ça nous a pris plusieurs semaines. En Syrie, on en arrive à un moment limite, où les risques pour les gens qui te protègent sont difficiles à équilibrer avec le boulot réalisé sur place. »

Il déplore que le reportage n’ait pas suscité plus de réactions dans les opinions et chez les gouvernants. « La « ligne rouge » à ne pas franchir est finalement devenue un feu vert pour gazer », dit-il en référence à la ligne tracée, par le président américain Barack Obama à l’été 2012, et dont le franchissement – l’usage d’armes chimiques – était censé entraîner une réponse internationale forte. « Et le 21 août [jour d’une attaque attribuée au régime dans les faubourgs de Damas], on est passé à l’utilisation d’armes chimiques à grande échelle. Sans même parler d’une intervention militaire, les Syriens n’ont même pas de médicaments pour contrer les effets du gaz. »

Source : Le Monde, Claire Guillot, 09/09/2013

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