En 1970, June Newton commence une carrière de photographe sous le pseudonyme d’Alice Springs. Depuis 2005, ses travaux sont régulièrement exposés à la Fondation Helmut Newton à Berlin dans la salle baptisée “June’s Room”. Cette rétrospective, exposée auparavant à Berlin et Milan, rend compte de 40 ans de travail, présentant à la fois ses photographies de publicité et de mode ainsi que des nus et des portraits.
L’épouse d’Helmut Newton a entamé sa propre carrière photographique à Paris en 1970. Son mari, alors alité avec la grippe, lui apprend à manier son appareil et son luxmètre, pour qu’elle puisse réaliser à sa place une photo publicitaire pour la marque de cigarettes Gitanes. Le célèbre portrait qui en résulte sera le point de départ de sa nouvelle carrière.
Installée à Paris, cette actrice de théâtre d’origine australienne, ayant dû renoncer à sa carrière, s’est investie dans la peinture, avec les pinceaux et les couleurs que son mari lui avait donnés. Mais après cette fameuse photo publicitaire, José Alvarez, alors directeur d’une agence publicitaire, lui passe une commande pour des campagnes pharmaceutiques.
Dès le milieu des années 70, Alice Springs reçoit de nombreuses commandes de portraits, dont certains deviennent légendaires. La multitude d’artistes, d’acteurs et de musiciens qu’elle photographie au cours de ces 40 dernières années est à un véritable “Who’s Who” de la scène culturelle internationale des deux côtés de l’Atlantique – d’Yves Saint-Laurent à Karl Lagerfeld, de Billy Wilder à Diana Vreeland, en passant par les Hell’s Angels. La plupart de ces portraits sont des commandes pour des magazines publiés à Paris et à Los Angeles, d’autres résultent d’initiatives privées.
La majorité de ses modèles appartiennent à la jet-set internationale, mais Alice Springs porte cependant le même regard empreint d’innocence et de simplicité sur tous ses sujets. Elle révèle leur singularité, mais aussi leur vulnérabilité.
Ses portraits se distinguent par une approche intime et spontanée. Traduire l’intensité des telles personnalités artistiques ne peut se faire que grâce à son ouverture d’esprit, sa sensibilité et sa psychologie. On pourrait imaginer que ces célébrités se prêtent aux séances photos dans une incessante quête de notoriété. Mais en fait, une séance photo peut se transformer une sorte de duel entre le modèle et le photographe, dont l’appareil devient arme.
Dans un portrait photographique, la force créatrice vient en second ; le photographe doit dépasser le simple document afin de créer une image nouvelle, imprévue, qui transgresse les stéréotypes. Alice Springs y
réussit à maintes reprises dans ses portraits. C’est peut-être sa connaissance du théâtre qui l’amène à voir au-delà de l’être humain, en particulier dans ses doubles portraits qui mettent subtilement en scène l’interaction des protagonistes.
Alice Springs fait plus que capter l’apparence de ses contemporains, célèbres ou anonymes ; elle canalise leur charisme, leur aura. Derrière ses magnifiques portraits, se dessine une connivence implicite, une complicité spirituelle. Son regard se concentre surtout sur le visage ; parfois, elle rétrécit le champ pour s’attarder sur un détail, généralement les mains. Dans ses petits formats, les sujets nous regardent de manière directe, curieuse, candide – ce qui est rare dans la photographie contemporaine. Peu de ses portraits sont réalisés en atelier, la majorité est prise dans des espaces publics ou dans la maison de ses sujets. Il règne un sentiment de familiarité, entre distance et intimité. Les poses sont rarement affectées ; les prises de vue se font avec simplicité. La photographe ne trahit jamais son sujet.
Au début des années 1970, Alice Springs s’est vu confier plusieurs campagnes par le coiffeur Jean-Louis David ; ses photographies apparaissent sous son propre nom, dans des publicités en pleine page publiées par de grands magazines de mode, tels que Elle, Vogue, Marie Claire et Nova. Elle commence également à travailler pour le magazine Dépêche Mode en 1971 et, trois ans plus tard, fait pour la première fois la couverture de l’édition française du magazine Elle. Certains de ses premiers travaux de mode et de publicité sont présentés au début de cette rétrospective, qui comporte également les nus provocateurs qu’elle a réalisés dans les années 70.
Du Mercredi 27 juin 2012 au dimanche 18 novembre 2012
Maison européenne de la photographie (Paris 75004)
11h à 20h – TARIF : Plein tarif: 7€ / Tarif-réduit: 4 €