Ouverture du centre Robert Capa à Budapest

De Capa à Kertész en passant par Brassaï, la Hongrie a vu naître quelques uns des grands maîtres de la photographie. Pourtant, jusqu’à présent, le pays ne comptait pas de lieu sanctuaire du cliché. L’erreur est désormais réparée: le centre Robert Capa vient d’ouvrir ses portes.

C’est à deux pas à peine de l’avenue Andrassy, les Champs-Élysées de Budapest, que le Capa közpönt a installé ses écrans. Le centre a pris ses quartiers à l’étage d’un hôtel particulier Art Nouveau, qui abritait auparavant le musée Ernst. L’escalier majestueux décoré de vitraux n’enlève rien à l’intimité du lieu, comme le souligne Orsolya Kőrösi, directrice du lieu: « J’avais toujours comme un pincement au cœur en allant voir des expositions photographiques dans des lieux culturels qui n’étaient pas dédiés à l’art de la photographie. Ici, nous avons trouvé l’endroit qu’il nous fallait, à la fois compact, paisible et professionnel. L’ancien musée Ernst n’est pas si grand, au point qu’on ne sait pas encore si nous allons pouvoir exposer les 900 photos de la collection Capa dont la Hongrie a hérité en 2008… ».

Ceux qui pensaient venir en pèlerinage sur les pas du photographe de légende sont prévenus:« Nous sommes un centre dédié aux arts visuels mais nous ne sommes pas un musée en mémoire de Robert Capa, nous en portons juste le nom », explique la directrice.

Pour l’heure, le lieu n’abrite que des expositions temporaires. Le tirage photo en est souvent banni. Ainsi, l’exposition du moment, intitulée « photographies contemporaines projetées », ne compte pas un seul cliché, mais un enchevêtrement de lightbox, d’écrans LCD et de rétroprojecteurs. Sélectionnées à l’issue d’un concours international, les installations mettent à l’honneur la photographie de presse et quelques créations documentaires expérimentales, rehaussées de nombreux clins d’œil à l’œuvre du photojournaliste d’origine hongroise.

A l’occasion du centenaire de la naissance de Robert Capa, des jeunes artistes du cru n’ont pas hésité à revisiter ses grands classiques. Ainsi, Árpád Sopsits et son équipe d’acteurs professionnels ont rejoué la scène du célèbre soldat Républicain pendant la guerre d’Espagne, comme pour mieux percer le mystère d’une spontanéité qui divise encore la profession.

Quant aux artistes de l’école de dessin de Buda, ils questionnent la protection de nos données. Leur court métrage tourné en plein Széll Kálmán tér, l’une des places les plus fréquentées de Budapest. La jeune équipe a librement remis au goût du jour une œuvre de Tibor Hajas de 1973 (ci-dessous), grâce à des informations récupérées sur les réseaux sociaux.

Les photographes du pure player hongrois Origo ont eux aussi envahi le sol et les murs avec des instantanés poignants de la révolte étudiante de l’année dernière, du festival Sziget ou encore d’un village rom en Roumanie. Orsolya Kőrösi, qui a un temps présidé la société des journalistes hongrois, a déjà prévu que le centre Capa hébergerait au printemps la traditionnelle exposition annuelle des photographes de presse hongrois.

Le public sera-t-il au rendez-vous? Orsolya Kőrösi n’en doute pas une seule seconde « nous avons eu beaucoup de monde au vernissage, des gens de tous les horizons, beaucoup de jeunes ». La maîtresse des lieux n’hésite pas à mettre l’accent sur le côté universel de la photographie: « Comme pour la musique, la photographie parle à tout le monde. Nous, Hongrois, nous sommes isolés par notre langue, peu connue hors de nos frontières. Qui plus est, nous entretenons une relation toute particulière à la photographie; pas seulement parce que beaucoup de talents hongrois ont essaimé à travers le monde, mais aussi parce que la photographie reste un art populaire en Hongrie ».

Comme l’académie de musique Ferenc Liszt, Orsolya Kőrösi voit sa nouvelle maison mère comme une institution hongroise de portée internationale. « Nos panneaux explicatifs sont entièrement traduits en anglais, et nous sommes situés au coeur du quartier touristique de Budapest. »

 

« Robert Capa, icône sans cliché des nouveaux photographes hongrois » par Hélène Bienvenu (Budapest)

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