Célèbre pour ses clichés de guerre, notamment du Vietnam, le photographe britannique Don McCullin n’a pas encore pris sa retraite. À 77 ans, il repart sur un autre théâtre de guerre : la Syrie.
Depuis plus de 50 ans, Don McCullin parcourt le monde. Photographe autodidacte, le Britannique s’est fait connaître en montrant les horreurs des conflits armés et autres catastrophes qui ont marqué l’histoire récente.
Dès les années 1960, au plus près des violences, il a su capter, avec son appareil, la dure réalité de la famine au Bihar en Inde, de la guerre des Six-Jours au Proche-Orient, ou encore du bourbier vietnamien au côté des marines américains.
Alors que depuis quelques années il ne s’occupait plus que de paysage et de natures mortes dans son pays natal, le photographe de 77 ans a finalement décidé de repartir sur un autre terrain de guerre, en Syrie. « Je vais couvrir la guerre à Alep. Je suis harcelé du matin au soir là où je vis dans le Somerset [sud-ouest de l’Angleterre], et je veux juste partir d’ici », confie-t-il dans une interview accordée au Guardian.
Légende vivante du photojournalisme, Don McCullin est aujourd’hui horrifié de voir que les conflits n’intéressent plus les lecteurs. « Personne ne veut voir des enfants en train de mourir. Ils veulent juste voir des talons hauts. Il n’est plus question que de célébrités. Les célébrités, les looks et la mode », constate, amer, le photographe.
« Si je vois encore une autre photo de Gwyneth Paltrow, je vais enfoncer ma tête dans les toilettes. Des faux bronzages, les Beckham, Jamie Oliver. J’en ai marre de tout ça. C’est pour cela que je vais en Syrie », ajoute-t-il. Le septuagénaire explique également qu’il a décidé de repartir pour mieux se retrouver lui-même : « Je ne veux pas m’installer trop confortablement. Si je ne me pousse pas à mon âge, alors que je vais fêter mes 78 ans, je vais avoir Alzheimer. »
Alors qu’un documentaire sur sa carrière, intitulé « McCullin », vient de sortir au Royaume-Uni, le reporter fait aussi un bilan de son métier. Interrogé par la version britannique du quotidien Metro, il avoue qu’il s’est parfois senti coupable de gagner sa vie en photographiant des horreurs : « Ces photos montrent de la souffrance, des enfants en train de mourir. Je ne peux pas dire que j’étais fier de moi. J’avais même honte, si vous voulez savoir la vérité. »
Profondément marqué par les combats auxquels il a assisté au cours de sa vie, il assure que ses clichés, principalement en noir et blanc, ne quittent jamais son esprit. « Certains souvenirs sont intacts, comme s’ils s’étaient déroulés hier. Comme cette bataille au Vietnam : deux semaines à voir des tanks rouler sur des corps et les transformer en tapis persan », raconte sans détour Don McCullin.
Malgré ses séquelles mentales et physiques, le photographe ne regrette pas d’avoir choisi ce métier. Élevé dans les années 1940 dans un quartier pauvre de Londres, il estime que le journalisme lui a permis d’éviter de plonger dans la criminalité. « Si je n’étais pas devenu photographe. Je n’aurais pas eu de vie. J’aurais été perdu », estime-t-il.